Une (brève) histoire de coutures

Le 20 février dernier j’écrivais : “les coutures sont en train de craquer”.
Je parlais alors de moi.1

Hier soir, en rentrant du Méliès2, j’ai repensé à cette phrase.

Un homme est entré dans le métro.
Énervé.
Virulent.
Agressif.
Dans les paroles mais aussi dans le corps.
Même si pas tout à fait – pas encore ? – dans les gestes.

J’ai repensé à un autre homme.
Dans un autre métro, quelques jours plus tôt.
Logorrhée qui semblait délirante.
Et puis le mouvement
Aller-retour
Aller-retour
Aller-retour
Les pieds aussi rapides que la langue.

Alors ces mots en écho.
“Les coutures sont en train de craquer”.

Je me suis dit, ce ne sont pas des miennes dont il s’agit, mais des nôtres.
Des coutures que nous partageons.
Parfois malgré nous.
Parfois franchement à contrecœur.

Les coutures sont en train de craquer.
Devant nos yeux.
C’est visible.
C’est audible.
Pour peu, bien sûr, qu’on accepte de ne pas se détourner tout à fait.
Pas à chaque fois.

Cela craque sans doute d’abord chez les plus fragiles.
Quelque chose comme une histoire de marges, et de centre(s).

Cela craque, partout.
L’entends-tu ? Le vois-tu ?
Les entends-tu ? Les vois-tu ?

La prochaine fois il faudra veiller à répondre à la démente qui crie sur un trottoir, il faudra renouer, se réajuster, ne plus se contenter d’avoir peur ou d’être fascinée, ne plus se contenter de l’empathie ou l’incompréhension.
Joy Sorman, À la folie

  1. Sur le moment, c’était quelque chose d’absolument négatif.
    Cela semblait à la fois non négociable et irrémédiable, ce négatif.
    J’entrevois désormais la possibilité de quelque chose de positif, comme une brèche. ↩︎
  2. J’y ai vu L’étoile filante, le dernier film d’Abel & Gordon.
    Pas mon préféré, mais quelque chose comme un rendez-vous toujours agréable, parfois même franchement réjouissant.
    Un sentiment que je retrouve avec les films de Kaurismäki. ↩︎

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